Quelques repères pour penser et préparer le déconfinement dans l’aide à la jeunesse

Le déconfinement : une nouvelle phase de transition à réfléchir …

La vie du début d’année 2020 – la vie durant le confinement – la vie d’après confinement, que de transitions auxquelles nous devons nous adapter rapidement. Elles mettent à rude épreuve nos capacités d’adaptation, notre flexibilité et nos émotions.

De plus, les phases de transitions s’accompagnent de nombreuses incertitudes et imprévisibilités : nous sommes confrontés à une série d’informations contradictoires et ne savons jamais réellement quand une phase se termine, ni les règles et modes de fonctionnement de la suivante.

Nous savons que l’imprévisibilité renforce l’insécurité affective.  Ainsi, même si nous nous adaptons plutôt bien à chacune des phases, celles-ci nous font également ressentir de l’anxiété car nous ne savons pas de quoi demain sera fait.

Le déconfinement est donc une nouvelle transition. Pour certains, il augmentera l’intensité de l’anxiété.  Pour d’autres, il sera davantage source de libération et de soulagement. Mais chez la majorité d’entre nous, il fera apparaître des vécus, des ressentis, des émotions contradictoires.  Cette présence de deux sentiments contradictoires est appelée ambivalence affective par les psys.

Que cette ambivalence affective nous traverse est non seulement inévitable mais aussi légitime : nous sommes tous, adultes, adolescents, enfants, traversés simultanément par l’envie de retrouver la vie d’avant, l’envie de rester encore un peu dans la « parenthèse de la vie en confinement » et l’envie mais aussi la peur de la vie d’après.  Nous voulons tous à la fois avancer et rester immobile.  Vu les nombreuses incertitudes, ce double mouvement risque de durer. Nous n’avons pas d’autre choix que de nous y confronter.

Évidemment les intervenants psychosociaux de l’aide à la jeunesse n’échapperont pas à ce mouvement.  Cette ambivalence affective va susciter de nombreux questionnements, solliciter les ressources de chacun, favoriser le déploiement de la créativité (déjà enclenchée par le confinement), impacter les relations entre collègues, avec les enfants et les familles mais elle risque aussi de générer de nouvelles tensions ou d’exacerber les anciennes si les émotions dominent les échanges.

Comme le déconfinement a débuté, nous avions envie de vous transmettre quelques repères généraux pour accompagner votre réflexion autour des enfants, des parents et de votre équipe de professionnels. Nous avons également imaginé des « mises en pratique » qui pourraient vous aider à soutenir cette réflexion de manière concrète.

Il nous semble important d’avoir à l’esprit que : 

  • Le déconfinement, avec son éventail de ressentis, de possibilités d’actions et d’impossibilités, va largement dépendre de ce qui ce sera passé « avant la crise sanitaire » et pendant cette période de confinement. Chaque situation peut amener son lot de variabilité comme le fait d’avoir été atteint ou pas par la maladie, d’avoir connu des personnes atteintes, d’avoir peut-être même perdu quelqu’un, d’avoir été entièrement confiné sans aucune sortie dans un espace restreint ou non, avec plus ou moins de personnes, en famille, en collectivité… Tous ces éléments vont influencer la manière dont le « déconfinement » va être perçu et peut-être même dont ce déconfinement va être possible. Il s’agira donc pour les professionnels que nous sommes,  d’être attentifs à cet aspect et de l’intégrer dans la réflexion. Il sera davantage pertinent de partir de la réalité vécue par chacun pour construire des pistes de déconfinement les plus adaptées possibles.
  • Le niveau d’explications et de compréhension de la situation est très variable, même si vous vous attelés à fournir un maximum d’explications et d’accompagnement aux enfants, aux familles et à vos collègues. Il peut varier en fonction de l’âge des enfants, des éléments concrets qui ont été transmis, de la cohérence du discours des différents intervenants et évidemment des ressources de la personne qui reçoit ses informations (intellectuelles mais surtout émotionnelles). Mais quoi qu’il en soit, vous ne pourrez pas tout gérer et surtout pas tout de la même façon. Il s’agira encore de faire preuve, en plus de la flexibilité et de l’adaptation essentielles, d’écoute et de questionnement de cette compréhension et certainement de clarifications parfois. Mais pour cela, il faut tenter d’avoir vous-même une pensée claire et JUSTE de la situation. 
  • Cherchez des informations de sources sûres (les rumeurs et compréhensions du cousin de la tante qui travaille à l’hôpital de … ne sont PAS des sources sûres !).
  • Reconnaissez vos zones d’incompréhension et de méconnaissance de la situation. Et il y en a surement puisque nous vivons une situation totalement inédite en Belgique et que nous manquons cruellement de clarté de la part de nos autorités et du monde médical dont la compréhension du fonctionnement du virus et des moyens de le contrer reste partielle. Ne partagez pas nécessairement vos projections quant à ce qui se passera à telle date. Préférez dire que tout n’est pas encore décidé officiellement mais que vous les tiendrez informés dès que vous serez en possession de l’info.
  • Les personnes mises « à l’écart de la crise » et dans ce cas-ci, celles qui ont été confinées et ont respecté ce confinement, ont peut-être davantage peur pour leur santé ou celle des autres que celles restées « libres » de circuler et de travailler.  Mais il est également possible que les personnes qui ont dû poursuivre leur travail ont peut-être été davantage confrontées à des sources d’angoisse et des risques réels que les autres.  Il s’agira donc de pouvoir respecter le fait que d’autres peuvent penser différemment que vous et qu’il est plus facilitateur de tenir compte de ce facteur de stress et d’angoisse supplémentaire car il risque d’apparaitre lors de la levée du confinement et il pourrait prendre des formes variées
  • Certains vont peut-être souffrir de signes ressemblant à ceux décrits dans les situations de « stress post traumatique » tels que des cauchemars, des insomnies, de la culpabilité, de la peur de la foule, des transports … et auront besoin de beaucoup d’écoute et d’empathie.
  • Toute source de stress, et le déconfinement en est une nouvelle, entraîne l’émergence de sensibilités, de particularités, de peurs, de croyances et de stratégies variables, pouvant être exacerbées, parfois excessives, ambivalentes voire incohérentes. Il s’agira d’envisager les réactions des enfants, des ados et des adultes (parents, collègues de travail, conjoints et vous-même) sous cet angle afin d’éviter (autant que possible évidement) des débordements inutiles.
  • L’être humain développe des mécanismes communs face à une crise, dont la recherche « de coupables » ou de manquements de la part des autres. Nous vous invitons donc à en être conscients et à tenter d’y résister : évitez la chasse aux sorcières, la recherche de bouc-émissaire, les erreurs des collègues …et acceptez les avis contraires…
  • Les adultes, qu’il s’agissent des parents ou de vos collègues, auront sûrement requestionné le modèle dans lequel nous vivions avant cette crise sanitaire. L’heure du changement aura peut-être sonné dans leur tête et dans leurs foyers ou au contraire l’envie de reprendre la vie comme avant sera leur leitmotiv. Prenez le temps d’écouter et de voir en quoi l’enfant , les familles et le fonctionnement d’équipe pourraient en être affectées.
  • Et vous le savez sûrement mais certains verront le déconfinement comme une libération d’autres comme une obligation potentiellement anxiogène.

Dès lors, nous ne savons pas si les choses vont évoluer de manière suffisamment sécurisante mais nous vous invitons à compter sur la résilience de chacun, y compris des enfants et des jeunes surtout si la recherche de solidarité, de cohésion et de cohérence prime sur la peur ou les oppositions au sein de l’équipe.

Une nouvelle phase de transition qui nous met au travail

Concrètement parlant, pour avancer dans cette nouvelle phase de transition, il nous semble nécessaire, tant dans l’accompagnement des enfants et des familles que dans le fonctionnement d’équipe, 

  • D’identifier les émotions
  • De reconnaître l’ambivalence que nous ressentons tous et qui est inévitable, 
  • De développer et de ramener au maximum la capacité de penser les différents vécus avec les enfants, les familles, les mandants, le réseau et entre collègues.
  • Et de s’appuyer sur ce que cette situation inédite nous a permis de penser différemment d’avant, nous a appris de nouveau sur les enfants, les familles, nos collègues et nous-même.

L’équipe d’Atouts souhaite vous accompagner dans la réalisation de ces objectifs et vous propose d’alimenter votre pensée au travers de repères, questionnements, d’outils concrets, de vidéos …

Ce qui suit peut être travaillé en équipe, évidemment. Et nous vous y invitons vraiment.

Concernant l’accompagnement des enfants et des familles

Utilisez vos observations – ressentis – évaluations 

Pour chaque enfant et sa famille/ses familiers accompagnés par votre service durant la phase de confinement, chaque intervenant note : 

  • 2 choses positives qu’il a observées
  • 2 choses qui l’ont surpris, interpellé dans les comportements de l’enfant/des parents
  • 2 émotions qu’il a le plus observées chez l’enfant/les parents
  • 2 activités pour lesquelles l’enfant/les parents ont vraiment montré du plaisir
  • 2 circonstances de manifestations d’anxiété chez l’enfant/les parents
  • 2 comportements relationnels nouveaux ou différents de l’enfant/les parents à votre égard
  • 2 ressentis les plus fréquents chez lui à l’égard de l’enfant/les parents

Emettez des hypothèses à partir de la partie précédente

En fonction de vos différentes observations et ressentis :

  • Qu’est-ce qui se confirme dans votre regard sur cet enfant/parents ?
  • Qu’avez-vous appris de nouveau sur le fonctionnement de cet enfant/parents ?
  • Que pensez-vous que vous devez développer dans votre relation à cet enfant/parents ?
  • A quoi devrez-vous être particulièrement attentif dans les phases de déconfinement ?
  • A quoi devrez-vous être particulièrement attentif dans l’accompagnement général de cet enfant

Construisez des pistes d’intervention

A partir des hypothèses basées sur les diverses observations, discutez en équipe de la priorité qui se dégage POUR cet enfant. 

Faites peut-être aussi le lien avec son PEI.

L’étoile du changement peut être un outils pertinent pour parvenir à prioriser les choses.

Concernant le fonctionnement d’équipe

Utilisez vos observations – ressentis – évaluations

Chaque professionnel est invité à 

  • Citer 2 modes de fonctionnement de l’équipe durant le confinement qu’il faudrait garder quand on reviendra à un retour à la vie d’avant
  • Citer 2 modes de fonctionnement de l’équipe durant le confinement qu’on ne doit surtout pas reproduire
  • Noter ce que le confinement a changé dans les relations, tensions, collaborations, coopérations entre collègues
  • Noter ce qui l’a sécurisé et insécurisé dans le fonctionnement d’équipe durant le confinement
  • Citer 3 points où l’équipe a vraiment été créative (activités, jeux, répartition du travail, gestion des émotions …)
  • ….

Émettez des hypothèses à partir de ce qui aura été échangé sur les questions du point précédent

  •  Selon, vous, qu’est ce qui dans votre fonctionnement d’équipe vous a permis de réussir votre adaptation dans ce contexte ?
  •  Selon vous, qu’est ce qui a participé à vous faire prendre des décisions que vous regrettez aujourd’hui ? De quoi auriez-vous eu besoin à ce moment-là ?
  •  Qu’est-ce qui a amené à impacter vos relations, collaborations entre collègues ? Et quels enseignements souhaitez-vous en tirer ?
  •  A quoi allez-vous devoir être particulièrement attentifs ces prochaines semaines ?
  •  A quoi allez-vous devoir être attentifs dans le futur pour le travail en équipe ?

Construisez des pistes d’intervention

A partir des hypothèses basées sur les diverses observations, discutez en équipe de la priorité qui se dégage pour votre équipe. 

La Croix d’Eisenhower peut être un outil inspirant pour parvenir à prioriser les choses.

N’hésitez pas à chercher des informations dans différentes ressources. Nous en avons compilé certaines mais il y en sûrement beaucoup d’autres.

Ce que les experts nous disent pendant ce confinement 

Manuel de survie adapté aux équipes éducatives des services résidentiels

La boite à outils des professionnels du secteur de l’aide à la jeunesse

En attendant le déconfinement 

Repères pour les professionnels des services d’accompagnement de l’aide à la jeunesse

N’hésitez pas à nous alimenter de vos questions, réflexions et à nous appeler si vous en éprouvez le besoin et/ou l’envie.

L’équipe d’Atouts

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Atouts.be (asbl) est un centre de formation et de supervision pour les intervenants psychosociaux de l’aide à la jeunesse. Notre asbl est basée à Liège. Mais nous sommes actifs partout en Wallonie et à Bruxelles, à Namur, Mons, Charleroi…

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