3. Nos représentations de la violence sexuelle 

Nos représentations et celles forgées par notre société envahissent nos prises en charge sans que nous en ayons véritablement conscience. Elles peuvent alors guider nos décisions sans pour autant favoriser la protection des enfants, qu’ils subissent ou agissent de la violence. Elles deviennent de ce fait, une des dimensions à analyser et à prendre en compte dans la compréhension du phénomène des violences sexuelles et de leur perpétuation. Cet article s’inscrit donc dans la continuité du développement des différents aspects du modèle multidimensionnel des violences sexuelles entre mineurs. 

C’est avec ambiguïté et ambivalence que la société entretient un rapport avec la violence sexuelle faite aux enfants. Entre effroi et déni, tantôt nous la regardons avec fascination à la télévision, tantôt nous minimisons son occurrence ou encore ses impacts sur les enfants dont nous prenons soin dans nos services de l’Aide à la Jeunesse. 

Cela fait bientôt 30 ans, qu’avec horreur, nous découvrions qui était Marc Dutroux. La violence sexuelle a pris son visage, sa barbe, ses verres fumés et sa camionnette blanche. S’opposait alors l’image du monstrueux à celle, angélique, des victimes. Oui, dorénavant, il existait des prédateurs qui kidnappaient, séquestraient et violaient les enfants mais ils se promenaient dans la rue, à l’extérieur, en dehors de maisons. Ils ne vivaient pas sous le même toit que les enfants, n’en prenaient pas soin, n’étaient pas des parents ou des proches. 

Bien que, dans la foulée de cette affaire, des services aient été créés pour prendre en charge les situations de violences sexuelles comme les équipes SOS Enfants ou encore Child Focus, c’est à cette époque aussi que les « théories » de fausses allégations d’abus sexuels ou faux souvenirs prennent le devant de la scène. L’affaire D’Outreau vient renforcer l’idée que les enfants peuvent mentir et que cela peut dangereusement nuire aux adultes, leur porter un préjudice majeur.

Rappelons que le mouvement #meetoo n’a que 6 ans et #meetooincest 3 et que le sexisme et la banalisation de la violence (sexuelle) se déconstruisent peu à peu. La parole se libère et les notions de consentement et de viol arrivent peu à peu dans le vocabulaire et dans les consciences. Mais de nombreuses plaintes n’aboutissent pas et un nombre important d’enfants ne parlent toujours pas ou ne sont tout simplement pas entendus. 

De plus, ça ne fait qu’une poignée d’années que nous commençons à parler de l’importance des psychotraumatismes liés aux violences. N’oublions pas que nous sommes, encore plus en tant qu’intervenants les dignes héritiers de la pensée freudienne qui véhicule une conception plutôt culpabilisante du statut de victimes. 

La notion d’aliénation parentale est encore très présente dans les tribunaux ou dans les SAJ-SPJ. Les révélations de violence sexuelle sont encore scrutées par le prisme de possibles manipulations des adultes plutôt qu’écoutées et prises en charge. 

Et pour finir, la sexualité des enfants reste très taboue, peu étudiée et peu connue, on le voit dans les mouvements que suscite la mise en place de cours obligatoire d’EVRAS. De plus, la frontière entre la violence sexuelle et la sexualité chez les enfants reste floue et beaucoup préfère alors qualifier des faits de violence de jeux sexues, d’expérimentations, de « touche-pipi ». 

C’est donc dans ce contexte que nous appréhendons les situations de violence sexuelle entre mineurs au sein de nos structures d’hébergement et que nous tentons d’agir au mieux. 

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