Que retenons-nous du rapport de recherche de S. Chartier : Comment améliorer les relations entre les parents et leur enfant placé ?

Dernièrement, notre attention a été attirée par une étude réalisée par Stéphanie Chartier, chercheuse et doctorante à l’Université de Liège et dont l’intitulé est « Comment améliorer les relations entre les parents et leur enfant placé ? » 

Une partie de ces résultats résonne particulièrement avec les préoccupations et les questions que nous confient les intervenants lors de nos rencontres et nos supervisions.

  • Comment pouvons-nous tenir compte de l’histoire des enfants, adapter et améliorer notre accompagnement ?
  • Quelle place donner aux parents pour que celle-ci puisse être profitable à l’enfant ?
  • Comment observer et améliorer les relations parents-enfant dans le contexte des visites encadrées ?
  • Quels sont les critères qui nous permettent de mettre en œuvre une réintégration familiale ?

Cette recherche a été menée sur deux ans. La première année a été consacrée à récolter des données sur 568 enfants placés en famille d’accueil, soit 30% de tous les dossiers suivis par les services d’accompagnement en accueil familial (SAAF) pour des placements de moyen et long terme en Fédération Wallonie-Bruxelles.

La deuxième année a permis de récolter des données pour 661 enfants placés en institution, soit 19% des enfants placés en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Comme superviseurs et formateurs dans le secteur, il nous paraissait indispensable d’en prendre connaissance tant il est rare d’accéder à des études qui s’intéressent à l’Aide à la jeunesse en Belgique. 

Voici les 5 points que nous souhaitions partager avec vous :

  1. L’âge de placement

Il existe une différence significative entre l’âge au moment du placement des enfants placés en famille d’accueil et ceux placés en institution. 

Les premiers ont en moyenne 3 ans et les second 6 ans au moment du placement.

Cela veut donc aussi dire que les enfants placés en institution ont en moyenne vécu plus longtemps avec leurs parents que ceux placés en famille d’accueil, et ont donc été exposés plus longtemps aux violences, à la négligence, aux maltraitances, aux abus et tout autre élément qui ont mené à son placement

  • La présence des parents dans la vie des enfants

Dans cette étude, nous apprenons également que 21% des enfants placés en famille d’accueil et 11% des enfants placés en institution n’ont jamais vécus avec leurs parents.

61% des enfants placés en famille d’accueil et 79% des enfants vivant en institution sont en contact avec au moins l’un des deux parents. Les autres n’ont plus aucun contact avec l’un des 2.

Dans l’absolu, les mères sont plus présentes dans la vie de leur enfant que les pères. Il faut toutefois noter que quel que soit le type de placement, dans 16% des cas, les pères sont inconnus, ce qui peut expliquer cette disparité en termes de présence.

En ce qui concerne les mères, celles-ci arrêtent d’être présentes en moyenne après 3 ans de placement.

  • Les visites encadrées

Les enfants en institution ont significativement moins de visites encadrées que ceux en famille d’accueil. Les rencontres se font plus souvent au domicile des parents.

Le rythme des rencontres pour les enfants en famille d’accueil est de 1 par mois contre 1 par semaine en institution.

Cette étude a également mis en évidence que les mandants interdisent plus souvent les visites pour les enfants placés en famille d’accueil que pour les enfants en institution (respectivement dans 24% des cas, contre 11%). 

Il est à noter que les visites peuvent être maintenues par les mandants alors même que la relation entre parent et enfant est qualifiée de négative voire de toxique par les intervenants.

La recherche a mis en évidence que ces différences peuvent avoir une répercussion sur les perspectives d’orientation. En effet, il est arrivé que des parents s’opposent au placement de leur enfant en famille d’accueil, après l’institution, car le rythme des visites allait être ralenti.

  • L’état général des enfants

En interrogeant les intervenants éducatifs et psychosociaux sur la qualité de la scolarité, de l’intégration sociale et de l’état psychologique, les résultats globaux sont plutôt positifs. Il apparait toutefois que les enfants placés en famille d’accueil semblent aller mieux et plus particulièrement au niveau psychologique.

2 facteurs ont été avancés par la chercheuse pour tenter de comprendre cette différence :

  • Les enfants placés en institution ont vécu plus longtemps avec leurs parents, et ont donc été exposés plus longuement aux négligences et maltraitances.
  • Les enfants placés en institution voient moins les rencontres avec leurs parents interdites bien qu’elles soient perçues comme négatives/toxiques, continuant ainsi à détériorer l’état de l’enfant.
  • Les possibilités de réintégration chez un des deux parents

Dans 67% des cas pour les enfants en famille d’accueil et dans près de 50% des cas pour ceux en institution, une réintégration chez un des deux parents est perçue comme impossible par les intervenants qui s’occupent de l’enfant.

Au moment de la recherche seulement 1,6% des enfants en famille d’accueil et 1,5% de ceux en institution étaient dans un processus de réintégration familiale.

Notons que l’une des attentes des mandants à l’égard des institutions de placement en famille d’accueil est qu’elles puissent utiliser le temps de l’accueil de l’enfant comme une période de « diagnostic » quant à  la possibilité des parents à se mobiliser et à utiliser les compétences parentales nécessaires pour envisager une réintégration en famille.

L’auteure de l’étude suggère différentes pistes en vue d’améliorer les prises en charge des enfants /jeunes. En voici 3 : 

  1. Définir un plan d’accompagnement intensif et multidisciplinaire pour les parents

Elle imagine une équipe mandatée et pluridisciplinaire dont les missions seraient :

  • D’accompagner les parents dans les différentes sphères qui participent à la précarité et l’instabilité de leur situation (addiction, santé mentale, situation socio-économique, logement, …). En effet, sans un accompagnement, nous savons que certains parents ne pourraient pas voir leur situation s’améliorer.
  • Par une présence intensive, de pouvoir évaluer rapidement l’état des relations entre l’enfant et ses parents et ainsi répondre aux différentes questions inhérentes au cadre des visites. 
  • De définir, ensuite, d’un projet de vie répondant adéquatement aux besoins de l’enfant : 

Réintégration chez l’un des deux parents

Coparentalité partagée jusqu’à la majorité

ET aussi des projets pour les enfants dont les parents sont désengagés ou absents, comme l’adoption avec ou sans maintien du lien aux parents d’origine/biologiques.

  • Vers plus de stabilité dans le placement

Comme nous l’avons évoqué plus haut, il existe de nombreux cas où un projet de réintégration en famille est inenvisageable, que ce soit pour des enfants en famille d’accueil ou en institution. Pour d’autres, cette perspective ne parait possible que dans plusieurs années.

Dans ces situations, Stéphanie Chartier propose que l’on puisse, envisager les placements sur un plus long terme et que ceux-ci ne soient pas révisables chaque année, et ce, tant pour les enfants, leurs parents ou les familles d’accueil. Cette stabilité permettrait d’apaiser toutes les parties. Ce changement nécessiterait une modification de la législation.

  • Définir un guide méthodologique pour aider à l’établissement des visites encadrées et à leur évaluation

Cette étude a mis en évidence qu’il n’existait pas de critères communs pour évaluer les rencontres parents-enfant permettant de les adapter aux besoins et à la sécurité de l’enfant.

Les résultats de l’étude montraient que les services d’accompagnement des familles d’accueil demandaient plus souvent des interdictions de droits de visite que les institutions. Se pourrait-il que cela s’explique par des critères d’évaluation différents ? Comment prendre ces décisions de la façon la plus objective possible ?

Elle propose la création de cet outil en sollicitant la collaboration des mandants, d’intervenants de SAAF, de SRG et de SASPE, qu’ils pourront ensuite tester. 

Conclusion

Au départ d’une étude qui questionnait la façon d’améliorer la relation entre les parents et leur enfant placé, cette recherche met surtout en évidence la grande disparité de pratiques entre types de services dans l’accompagnement des enfants et de leurs parents

Comment peut-on homogénéiser nos pratiques ?

Les services possèdent-ils suffisamment de moyens pour aménager leurs interventions ?

Un autre point interpellant, selon nous, est l’énorme différence qui existe entre les intentions de réintégration familiale et la réalité récoltée.

Qu’en est-il de l’impact sur nos pratiques et sur la perception de notre travail ?

Risquons-nous d’entretenir de faux espoirs chez les parents, les enfants ?

Est-ce que cela risque d’implanter un climat d’incertitude, voire d’imprévisibilité auprès des enfants qui ont tant besoin de sécurité et auprès des adultes qui en ont également besoin pour prendre soin ?

Jose Antonio Alba by Pixabay

Et vous, quelles questions/réflexions cette lecture a suscité chez vous ? 

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