Dans le secteur de l’aide à la jeunesse, ces dernières semaines ont été jalonnées de mobilisations (manifestations, grève…), qui s’étendent de plus en plus afin de dénoncer les réalités d’un secteur perpétuellement en crise.
Les services publics et privés agréés se réunissent afin de faire part de leurs inquiétudes quant au devenir des enfants pour lesquels des « dossiers » sont ouverts et faire apparaitre au grand jour la complexité, de plus en plus grande, de leur travail de protection et d’accompagnement.
Outre le fait de demander des moyens supplémentaires (prioritairement humains), c’est principalement l’absence de réponses adéquates, voire de réponse tout court, à des milliers d’enfants et de familles en souffrance qui est dénoncée.
En tant que service de formation et de supervision, nous constatons, nous aussi, comme l’ensemble des acteurs de terrain que nous accompagnons, que :
- les familles subissent de plus en plus de précarité, créant une multiplication de leurs préoccupations
- les listes d’attentes pour une prise en charge adéquate sont de plus en plus longues dans tous les services proposant un accompagnement éducatif et psycho-social
- de plus en plus d’enfants pris en charge par l’Aide à la Jeunesse présentent des troubles comportementaux et psychiques sévères
- de nombreux enfants sont « coincés » dans des situations de séparations conflictuelles entre leurs parents, considérés davantage comme des objets que comme des sujets
- les services agréés se sentent de plus en plus démunis face à l’ampleur de la souffrance des enfants, des parents et face à la lourdeur de leurs « dys-fonctionnements »
- les milieux de vie des enfants ont fortement évolué (le modèle de la « famille traditionnelle » n’est plus vraiment un cadre de référence) et les nouveaux modes relationnels dans lesquels baignent les enfants sont trop peu intégrés dans les réflexions
- les services publics sont débordés par le nombre de demandes et la complexité de la mise en œuvre de leurs accompagnements
- les moyens alloués, à l’ensemble du secteur, sont bien trop faibles pour espérer faire un travail répondant de manière adéquate aux besoins des enfants
- les moyens alloués sont bien trop faibles pour espérer diminuer les sentiments d’impuissance et de souffrance ressentis aujourd’hui par la majorité des professionnels du secteur
- …
C’est bien la complexité des situations de ces enfants et de leurs familiers, conjuguée au manque de moyens supplémentaires qui complexifie le travail d’accompagnement des professionnels de l’Aide à la Jeunesse et de tous les secteurs touchant l’enfance.
Et il est évident que cette complexité est le reflet du fonctionnement de notre société. Ne pas la considérer et la prendre en compte risque d’engendrer des réflexions simplistes, sans nuances, et d’induire des actions non seulement inadéquates mais souvent violentes.
La crise actuelle de l’Aide à la Jeunesse et les questions qu’elle pose fait résonner, à Atouts, encore davantage cette question : Et si on osait une société où la place de l’enfant est plus centrale et où ses besoins sont pensés et comblés ?
Nous estimons qu’il est inacceptable qu’un enfant ne puisse grandir dans un contexte sécurisant. Nous croyons qu’une société qui se focalise sur la sécurité affective des enfants dès leur conception est une société qui crée alors des adultes responsables, capables de développer des intérêts, capables de relations sociales et affectives saines et adéquates, ayant intégré le fait qu’il est essentiel d’être bienveillants les uns vis-à-vis des autres.
Oui, c’est à ce modèle de société que nous croyons et c’est davantage cette société que nous souhaitons. Une société où le profit est secondaire par rapport à la qualité de vie des gens, par rapport à un apaisement des situations de souffrance, par rapport à l’Humain.
Ne dit-on pas qu’il faut tout un village pour élever un enfant ? Alors à quand une véritable mobilisation de l’ensemble des partenaires politiques et des citoyens pour en faire un projet de société ?
Un enfant est un être global qui sera amené à évoluer dans les différentes sphères de la société qui concerneront tant la santé (mentale aussi !), que l’enseignement, l’aviq, la jeunesse, le sport, l’enseignement supérieur, le monde du travail… Tous ces ministères qui aujourd’hui se parlent trop peu en regard du défi énorme des enfants et des jeunes d’aujourd’hui et de demain.
Alors mesdames, messieurs, politiques (parlementaires, députés, ministres) et citoyens, si vous tentiez de prendre, avec nous, intervenants éducatifs et psycho-sociaux, vos responsabilités dans notre secteur d’aide et de protection de la jeunesse ainsi que dans tous les secteurs concernant l’enfance ? Car si, comme nous, vous croyez en la valeur des enfants et en l’intérêt de miser sur quelque chose de meilleur pour eux, il est urgent de proposer ensemble, une société plus humaine.
Êtes-vous prêts à défendre un tel projet de société ?
