Aider l’enfant à réguler ses émotions et son comportement : de l’importance de la sensibilité

Pour les intervenants psychosociaux de l’aide à la jeunesse, le travail auprès des enfants et des adolescents qu’ils accompagnent nécessite la connaissance de leur histoire et la compréhension des impacts qu’elle a eu sur leur développement.  Celle-ci est notamment nécessaire pour appréhender les mécanismes d’adaptation qu’ils ont développés pour faire face, vivre ou survivre dans un environnement rendant difficile le développement d’une sécurité affective et d’un épanouissement psychologique (voir l’article  » Accompagner un enfant/adolescent de l’aide à la jeunesse ? « ).  

Certaines de ces stratégies d’adaptation sont adéquates dans certains contextes alors que d’autres le sont moins. C’est sur ces dernières que les professionnels du secteur voudraient se pencher. Un des éléments centraux sur lequel s’attarder en priorité concerne l’expression des émotions.

Nous retrouvons en effet deux types d’inadéquation dans l’expression émotionnelle des enfants/adolescents du secteur, issus directement des mécanismes d’adaptation développés pour « faire face » à leur environnement précoce. Soit ces enfants/ados n’expriment aucune émotion soit ils les expriment de manière imprévisible et extrême.  Ces deux types de stratégie s’accompagnent souvent de comportements non régulés, excessifs voire violents : 

  • Se replier sur soi, 
  • Utiliser leurs sentiments pour contrôler autrui, 
  • Nier l’existence de leurs émotions,
  • Être en difficulté d’imaginer les émotions d’autrui et de prévoir leurs réactions, 
  • Avoir du mal à participer à un jeu, 
  • Avoir peu accès à l’humour, 
  • Être en difficulté de se réjouir d’une expérience agréable puis de s’en souvenir, 
  • Avoir les sens engourdis au point de ne pas sentir la douleur ou la faim, 
  • Se scarifier à l’adolescence, 
  • Déborder verbalement  et physiquement sur les camarades de classe

Comment accompagner ces enfants pour les aider à réguler leurs émotions et donc aussi les comportements qui y sont liés ?

Un des moyens proposés par G. Schofield et M. Beek est d’offrir davantage de sensibilitédans la relation. La sensibilité étant la capacité à faire preuve d’observation de l’enfant/adolescent, de décodage des signaux (verbaux et non verbaux) qu’il émet quant à ses besoins et à ses émotions et de proposer des réponses rapides, efficaces et adéquates.

Un intervenant psychosocial sensible offrira alors à l’enfant un environnement soigneusement structuré et modelé dans lequel il observera le comportement de l’enfant, l’expression de ses sentiments pour ensuite y réfléchir, les « décoder » afin de leur attribuer un sens.  Pour ce faire, l’éducateur, l’assistant social, le psychologue de l’aide à la jeunesse doit être particulièrement à l’écoute de l’enfant, tenter de se mettre dans sa peau et essayer d’imaginer ce que cet enfant pourrait penser et ressentir en fonction de ce qu’il montre et en fonction de ce qu’il connait déjà de lui. Lorsque cette démarche est mise en place, qu’elle est régulière et qu’elle amène des interactions pertinentes alors l’enfant deviendra davantage capable de :

  • Décoder lui-même le sens de ses comportements et de ses émotions 
  • Se sentir compris
  • Apprendre à faire face à ses émotions, dans toutes ses « couleurs » 
  • Tenir compte des pensées et des émotions d’autrui, développant alors de l’empathie

Pour renforcer la sensibilité dans les relations, l’intervenant psychosocial, et toute personne étant en contact avec les jeunes peuvent s’appuyer sur une grande variété d’approches.  En voici quelques-unes :

  • Faire des commentaires verbaux et non-verbaux (mimiques, postures, expressions faciales…) sur ce qui est observé afin de renvoyer à l’enfant ce qu’il est peut-être occupé à ressentir et à penser et ainsi le rassurer et lui apprendre à mettre des mots sur des ressentis. Par exemple : « Tu as l’air triste. Tes yeux sont brillants. Tu as envie de pleurer ? »
  • Appréhender les expériences antérieures de l’enfant et envisager avec souplesse la manière dont celles-ci ont impacté l’expression des sentiments de l’enfant et donc pouvoir se projeter dans l’esprit d’un enfant
  • Anticiper ce qui va provoquer de la confusion et de la détresse chez l’enfant et l’éviter autant que possible. Par exemple : les moments de transition difficiles, les nouveaux espaces, les changements d’organisation du quotidien…
  • Créer l’occasion de partager des activités plaisantes avec l’enfant qui permettront d’énoncer des commentaires sur les émotions qu’on éprouve et celles éprouvées par l’enfant. Par exemple : chanter, réciter des comptines, jouer au ballon, construire quelque chose ensemble, se déguiser, regarder un film ensemble …
  • Nommer les émotions dans les événements de la vie quotidienne. 
  • Par exemple : « j’ai peur, j’ai fait un cauchemar », « je suis très contente car j’ai piscine aujourd’hui », « je suis triste de ne pas voir maman »…
  • Jouer à des jeux qui impliquent les différents sens (toucher, vue, odorat, ouïe)
  • Conserver des traces des bons moments partagés ensemble et constituer un livre d’expériences.

Associer les parents de l’enfant/adolescent à ce processus renforcera les acquis de l’enfant.  Comme intervenants psychosociaux, il est légitime que nous interrogions les parents. Par exemple : 

  • « Dans ce moment-là, que pense, que ressent votre enfant ?  Pourquoi ? »
  • « Avez-vous remarqué que quand il a peur, il se recroqueville sur lui ? »
  • « Comment fait-il pour vous montrer qu’il est en colère ? »
  • « Si vous vous mettez dans la peau de votre enfant, que penseriez-vous, que ressentiriez-vous ? »
  • « En tant qu’enfant, dans ce type de situations que ressentiez-vous, que pensiez-vous, que faisiez-vous ? Qu’attendiez-vous de l’adulte ? »
  • « Quels liens pouvez-vous faire entre votre vécu d’enfant et votre manière d’être parent ? »
  • Comment vous sentez-vous face à votre enfant quand il fait cela ?  

Ce questionnement vise à renforcer les capacités d’écoute, d’observation, de souplesse et d’empathie du parent à l’égard de son enfant afin que celui-ci sente qu’il peut partager et exprimer ses émotions et ce de façon appropriée.

Si vous souhaitez découvrir et appendre d’autres démarches qui aident l’enfant à réguler ses émotions et ses comportements, n’hésitez pas à vous inscrire à la formation « Observer et améliorer les interactions enfant-parent ».

Victor Pelsser & Christine Degraux

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